Reportage du 16 janvier 2001

La gélifraction

 

Les grimpeurs de l’expédition ont tout d’abord voulu escalader le sommet nord de l’Holtanna. Cependant, ils se sont rapidement aperçus que la roche n’était pas solide, que de petits blocs tombaient régulièrement et que de gros allaient s’arracher de la montagne. C’est en grande partie le phénomène de gélifraction qui est derrière cela.

En montagne, au printemps et à l'automne, ou en Antarctique durant l’été, le gel attaque peu à peu les parois rocheuses par un processus assez simple.

La neige tombée sur la roche fond pendant la période chaude de la journée (le jour) et de l'eau s'infiltre dans les couches poreuses, les trous, les fissures, jusqu'à remplir tous les espaces vides. Une fois la période froide de la journée venue (la nuit), comme la température chute, cette eau gèle et augmente de volume (en gelant l'eau se dilate).

Pour se faire de la place, la glace exerce alors, depuis l'intérieur, une importante force sur la roche, ce qui provoque des fractures. Lorsque le jour revient, la température augmente et les parties disjointes qui ne tenaient plus que par la soudure du froid se fragmentent. Plusieurs milliers de cycles de gel-dégel briseront donc complètement la roche et provoqueront à terme des éboulis.

En classe, vous pouvez mettre en évidence ce phénomène simplement sur du schiste ou de la craie. Vous trouverez toutes les informations dans l’expérience " La gélifraction ".

 

Ici, en Antarctique, pour essayer d’illustrer ce phénomène, j’ai récupéré un bout de roche venant de l’Holtanna, puis je l’ai placé dans une casserole que j’ai remplie d’eau.

Chaque jour, je lui ai appliqué un cycle de gel-dégel, pour simuler en accéléré ce qui se passe dans la montagne depuis des centaines de milliers d’années : la casserole était dehors la nuit pour que l’eau gèle ; le jour, je faisais fondre la glace à l’aide d’un réchaud.

 

Petit à petit la surface de la pierre s’est effritée, de petits bouts s’en sont détachés et chaque jour leur nombre a augmenté, le phénomène de gélifraction a fait son action.

J’avais choisi cette pierre car elle avait en surface une fissure. Avant de commencer l’expérience j’ai tenté de la briser en deux, rien à faire. A chaque fois que j’ai fondu la glace j’ai ressayé mais la pierre était toujours aussi solide. Au bout d’une dizaine de jour, tout d’un coup, je l’ai facilement brisée en deux : la gélifraction avait petit à petit fragilisé l’intérieur de la roche à partir de la fissure de surface.

Durant la journée, le pic nord de l’Holtanna est chauffé par le soleil mais, durant plusieurs heures chaque " nuit " il passe derrière lui et la face nord devient alors très froide. Cette partie de la montagne est donc particulièrement propice au phénomène de gélifraction, ce qui explique pourquoi elle est constituée de roche si friable. Par contre, le second sommet que les grimpeurs ont fait durant la nuit du nouvel an, est dans l’ombre une grande partie de la journée et ne voit le soleil que quelques heures : les cycles de gel-dégel ne se font pas aussi efficacement, c’est pourquoi la roche y est beaucoup plus solide.

Défi : les scoops

Autour de certaines montagnes et nunataks, on observe comme de grandes rigoles qui se sont creusées dans la neige. On appelle cela des scoops.

En vous aidant de la modélisation informatique du vent autour d’une montagne que vous trouverez en lien sur le site, je vous propose d’essayer de comprendre comment le vent crée les scoops.